Alors, sujet du jour: Les complexes (tiré du livre de Roger Mucchielli "Les Complexes", édité au Presses Universitaires de France)

"Tout d'abord, il faut définir cette formation psychologique observable et décrire son mode opératoire, c'est à dire la façon dont elle intervient dans l'existence quotidienne.
Les complexes ne sont pas des choses étrangères déposées au fond de l'être et susceptible de remonter à sa surface, mais des systèmes de conduites constamment présents (comme un talent musical ou une langue étrangère connue existant en nous alors que nous ne l'utilisons pas à tel instant). Ou plutôt, ce sont des segments de conduite qui n'ont jamais été complètement intégrés. Ces conduites, isolées ou fragmentaires, subsistent telles qu'elles ont été incitées, constamment prêtes à se déclencher. Les complexes jouissent d'une autonomie marquée, semblables à des êtres indépendants qui mèneraient à l'intérieur de notre psyché une sorte de vie indépendante. Le complexe est une parcelle de personnalité possédant une composante caractérielle et une mémoire propre.
Cela rejoint les théories plus récentes de "l'Intern Familly System" développé, au début des années 80, aux Etats-Unis, par Richard Schwartz. Merci à Florine de me l'avoir fait découvrir

(https://fr.wikipedia.org/wiki/Internal_Family_Systems)
Il faut ajouter que le sujet n'a conscience "d'avoir" un complexe (sans cependant savoir lequel) que dans un cas et un seul: lorsqu'il éprouve une inhibition, une gêne, un blocage, ce qui l'empêche de réagir comme il voudrait et qui perturbe donc sa conduite adaptative ou son efficacité.
Le "Moi" trouve sa propre réaction stupide et inopportune. Il essaye de "se corriger". En vain car la réaction est "plus forte que le Moi". Le complexe ne surgit qu'en réponse à une situation réelle. C'est une réaction affective et comportementale face à un genre de situation.
Ne pas pouvoir supporter le moindre reproche ou la moindre plaisanterie est un signe de complexe.
Le résultat de la défense du Moi est qu'il n'a plus conscience de son malaise. Il ne perçoit pas plus les effets du complexe comme une anomalie gênante.Le sujet attribue son comportement à son "caractère", à sa "personnalité", à des "principes personnels". Comme le disait Jung, le complexe assimile le Moi lui-même, ce qui crée une modification inconsciente de la personnalité.
Prenons un exemple: Supposons un complexe d'infériorité dont l'effet direct primitif est pour le sujet de se sentir inférieur aux autres, pas à la hauteur, cherchant à faire tout petit dans son coin, certain d'être objet de risée et de déconsidération. Le Moi souffre. Il est capable de se dire consciemment que les autres ne sont pas "supérieurs" et qu'il les vaut bien sur beaucoup de points, mais cela reste une conscience "impuissante". L'accès de timidité-infériorité submerge la conscience en situation et domine le comportement effectif.
Mais supposons que par suite d'une défense du Moi (qui est d'ailleurs elle-même automatique et donc le succès ne vient pas de la volonté) le sujet ait surcompensé, dans ce cas se développe ce qu'on appelle le complexe de supériorité: le sujet profite de toutes les occasions pour afficher un air supérieur, il attire l'attention sur lui, il veut montrer qu'il est le plus intelligent, le plus beau, le plus adroit, le meilleur. Il juge tous les autres humains inférieurs à lui, il les raille et les déconsidère.
Nous avons donc un complexe inversé qui évite au Moi de souffrir de son infériorité subjective. L'important est de savoir ici que, dans ce cas, le Moi n'a plus aucune conscience de son complexe. En le métamorphosant par sa défense réussie, il l'a intégrée. Il en a fait un autre complexe, tout aussi "visible" par les autres s'ils sont informés par la psychologie des complexes, tout aussi absurde que la forme primitive dite "décompensée" (on dirait mieux mieux non-compensée), mais dont il ne s'aperçoit plus. Si on lui en parle, on reçoit aussitôt des décharges agressives/défensives et une pluie de justification.
Nous pouvons donc définir le complexe comme un "système émotionnel comportemental automatique de réponse à des situations typiques", non intégrées au Moi dans la forme non compensée du complexe, intégrée pathologiquement au Moi dans les formes résultants de défenses automatiques réussies."
J'espère que le sujet vous a plu. Et si vous êtes curieux, je vous invite à lire le livre

https://www.amazon.fr/Complexes-Que-sais-je-Roger-Mucchielli/dp/B0014MB5VQ/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1513718022&sr=8-2&keywords=les+complexes+roger+mucchielli