Un rapport très intéressant publié par le Centre d'analyse, de prévision et de stratégie et l' Institut de recherche stratégique de l'École militaire sur la manipulation de l'information.
https://www.defense.gouv.fr/irsem/page-d-accueil/nos-evenements/lancement-du-rapport-conjoint-caps-irsem.-les-manipulations-de-l-information
Les manipulations de l’information ne sont pas nouvelles mais ont pris une dimension sans précédent en raison des capacités inédites de diffusion et de viralité offertes par internet et les réseaux sociaux, ainsi que de la crise de confiance que vivent nos démocraties. Ce phénomène s’est manifesté par plusieurs ingérences électorales ces dernières années ; il menace les démocraties et la souveraineté de leurs institutions. Le CAPS et l’IRSEM ont donc uni leurs forces pour l’étudier.
Ce rapport est le fruit d’une enquête de terrain (une centaine d’entretiens menés dans une vingtaine de pays) pour mieux saisir la nature du problème et identifier les bonnes pratiques mises en œuvre par les États et les sociétés civiles. Il s’appuie également sur l’abondante littérature scientifique disponible. Il examine les causes, les conséquences et les réponses aux manipulations de l’information d’origine étatique et visant les populations d’autres États, avant de formuler 50 recommandations d’action.
La désinformation exploite une paresse intellectuelle naturelle, qui consiste à ne pas exercer son esprit critique de manière systématique, et à relayer des propos naïvement sans chercher à les étayer par des preuves. Les conspirationnistes demandent qu’on leur fournisse la preuve que leurs théories sont inexactes et farfelues, à rebours du travail journalistique[...] Nous avons tous tendance à privilégier les informations qui confirment nos hypothèses, nous confortent dans nos positions, et ne heurtent pas nos sensibilités : ce phénomène psychologique est communément appelé « biais de confirmation ». En publicité, cette faille est bien connue et exploitée : le succès d’une campagne publicitaire peut reposer sur l’engagement et la consistance d’un individu, c’est-à-dire sa tendance à rester fidèle à une opinion déjà formée.
Les 7 étapes de la propagande en ligne
1. reconnaissance de la cible (recherche sur l’audience),
2. armement (préparation des narratifs et fausses nouvelles, création des
histoires pour les crédibiliser et des versions alternatives à décliner selon
les audiences),
3. diffusion large (par tous les moyens disponibles, médias sociaux et
traditionnels),
4. activation de relais spécifiques (groupes militants sur les réseaux
sociaux),
5. croissance (achat de publicités, bots, trolls),
6. maintien (en faisant varier les histoires, en répondant aux objections),
7. blanchiment (disparition des traces une fois l’objectif atteint, diversion
de l’attention et suppression des posts voire des comptes).
Comparé à celui de ses alliés, notamment les États-Unis et le Royaume-Uni, l’environnement politico-médiatique français présente une certaine résilience et apparaît moins vulnérable pour plusieurs raisons. D’abord, l’élection du président est directe, rendant toute tentative d’ingérence dans le processus électoral plus visible. Elle comporte deux tours, ce qui crée une difficulté supplémentaire pour les pirates, en ce qu’ils ne peuvent pas savoir à l’avance qui parviendra au second tour. Cela permet aussi à la population de corriger un potentiel résultat-surprise à l’issue du premier tour. Ensuite, l’environnement médiatique français est plutôt robuste : il y a une forte tradition de journalisme sérieux. La population consulte principalement les sources d’information conventionnelles, et les médias du type tabloïds et autres sites alternatifs sont beaucoup moins populaires qu’ils peuvent l’être aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Enfin, et sans tomber dans les caricatures nationales, le « cartésianisme » joue également un rôle : la rationalité, la pensée critique, et un certain scepticisme sain font partie de l’ADN français et sont encouragés, dès l’école primaire et durant toute la vie professionnelle.