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Nietzsche et la morale du ressentiment

par Elcester » 07 févr. 2020 14:23

Dans le cadre de ma semaine d'ouverture je me suis imposé comme challenge de vulgariser plusieurs courant philosophique, tout en essayant de dresser des parallèles avec le trading.

Il se peut que par soucis de vulgarisation ou de mauvaise interprétation de ma part, je puisse faire des erreurs. Mon but n’est évidemment pas de travestir la pensée des auteurs et je serais plus que ravi d’en discuter avec vous afin que l’on puisse s’enrichir mutuellement.

On s'attaque à un gros morceau puisque nous allons aborder Nietzsche !

Nietzsche est très critique vis-à-vis de la religion Chrétienne. Ainsi, je ne souhaite pas que vous preniez cet article comme une attaque à l’égard de votre foi. J’essaye simplement de retranscrire la pensée de l’auteur. Même si je ne partage pas forcément vos croyances, cela ne veut pas dire pour autant que je ne les respecte pas.
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Dans sa pensée, Nietzsche va chercher à faire une généalogie de la pensée et de la morale. Il peut ainsi être considéré comme un auteur Moraliste. C’est-à-dire qu’il va chercher à comprendre qui a créé la morale et comment cette morale a évolué afin de déterminer ce qu’elle vaut.

Selon lui, la morale est issue d’abord de Platon puis a été réinterprété par la pensée Chrétienne. En effet, ces deux pensées partagent l’idée de dualisme, selon laquelle il y aurait deux réalités s’opposant l’une à l’autre.
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Pour Platon ce dualisme s’exprime à travers une réalité sensible, dans laquelle on vit, en opposition à la réalité intelligible, la réalité des Idées.

La réalité sensible correspond à la réalité accessible grâce à nos sens, que Platon considère comme le monde des apparences. En opposition avec le mondes des essences, des formes intelligibles, au-delà des apparences.

On va prendre un exemple pour rendre cela plus concret. On peut regrouper chaque individu sous le concept d'être humain. Or, si on regarde de plus près, on remarque que même si on est tous des être humains, aucun de nous n'est réellement similaire, chaque individu est unique. Par conséquent, quand on parle d'être humain, d'Humanité, on pense à une idée, à un concept, qui est au-delà du monde matériel. Et pourtant, chaque homme est une représentation de ce concept d'Humanité.

Platon considère alors que le monde sensible est une version imparfaite d'un monde supérieur, celui des idées, de la réalité intelligible.

On retrouve cette idée dans le Christianisme, où ce dualisme exprime la séparation entre le monde terrestre, le monde du vice où Satan règne, et le monde céleste, le paradis, territoire de Dieu. Là encore, la réalité matériel, le monde terrestre, est une version imparfaite d'un monde supérieur, le monde céleste, le paradis.
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Or, Nietzsche considère le dualisme comme la pensée du néant, on parle de Nihilisme. Cela revient à rejeter la réalité telle quelle est en recherchant un ailleurs fantasmé et donc chimérique.

Pour lui, s’imaginer un ailleurs est une illusion, il n’y a pas de monde céleste, il n’y a pas de réalité extérieure au monde que nous connaissons. Ainsi, il est absurde ne pas se satisfaire de la réalité matérielle, voire de la condamner car pleine de vice. Il considère cela comme un mensonge consolateur, où souffrir revient à endosser la vie d’un dieu.

En effet, le modèle de vie auquel il faudrait aspirer, représenté par Jésus, fils de dieu, revient à ne jamais se servir de sa toute-puissance, à ne pas utiliser son potentiel. Au contraire, il faudrait s’enorgueillir de sa faiblesse, vu alors comme une force, et se laisser faire.

Vivre en martyre sera compensé au paradis et les bourreaux à l'origine de nos souffrances seront puni en enfer. En somme, Dieu te vengera à ta place. En conséquence, on déprécie le monde terrestre où les forts sont mauvais et les bons persécutés, ne supportant cette situation que dans l’espoir d’un monde plus juste qui nous attends.

Or, cela revient à rejeter la réalité dans laquelle on se trouve. Ce faisant, cela revient à démontrer son incapacité à s’adapter à cette réalité et par extension à démontrer que l’on soit faible.

Nietzsche introduit alors le concept de la morale du faible, de la morale du ressentiment. Pour lui, toute pensée dualiste qui repose entre le bien et le mal, le vrai et le faux font partie de la morale créée par les faibles pour lutter contre les forts. L’idée étant qu’il est immoral pour un fort d’utiliser sa force contre le faible, il est mal de se comporter de manière égoïste. C’est une morale de la culpabilité, une morale qui nie la vie.
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En effet, pour Nietzsche, la volonté d’être fort, on parle alors de concept de Surhomme, c’est à dire la recherche de la puissance, n’est pas quelque chose de négatif. C’est l’essence même de la vie, qui cherche à croître.

Le concept de puissance est connoté négativement car associée à la domination du faible. Cependant, la volonté de puissance, la volonté d’être fort, n’a rien à voir avec la volonté de dominer le faible, mais plus une manière de chercher à s'élever. C’est une volonté de mouvement propre à la vie.
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On ne considère pas un enfant qui grandit ou un arbre qui pousse comme une volonté de dominer l’espace autour de lui, mais comme une expression du mouvement de la vie. Par essence, la vie cherche à s’étendre, cherche à croître et donc est constitué de mouvements. L’immobilisme est ainsi synonyme de mort.

Grandir ou mourir.

Ainsi, le concept de Surhomme revient à chercher à évoluer, à devenir meilleur. C’est une morale d’auto-affirmation de soi. La morale des faibles quant à elle, est une morale qui cherche à culpabiliser ceux qui évoluent car eux en sont bien incapable. On condamne les forts pour nos propres faiblesses, c’est une haine de la vie.

On peut considérer alors la pensée de Nietzsche comme une philosophie de la réévaluation, d’une libération des carcans imposé par les faibles sur les forts, favorisant alors l’émergence du Surhomme, d’une meilleure version de nous-même.
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Le parallèle avec le trading se fait alors naturellement. Puisque l’on peut considérer cette activité comme un moyen d’être libre, de s'élever. Libre financièrement d'abord, mais aussi des contraintes contemporaines : on est son propre patron, on est libre de ses horaires, de l’endroit où on vit etc.

En outre, c’est un excellent outil de développement personnel, où l’on va sans cesse chercher à s’améliorer et à se dépasser, les marchés évoluant en permanence, cherchant ainsi à s’approcher du concept de Surhomme.

Les détracteurs, critiquant la moralité du trading, mettant ainsi en lumière leur morale du ressentiment.


Re: Nietzsche et la morale du ressentiment

par Neddy » 11 févr. 2020 21:24

Bonjour,
est-ce que tu as une formation philosophique ?
C'est un sacré morceau à vulgariser auquel tu t'es ici attelé, et tu t'en es bien sorti.
Il manque peut-être le rôle du prêtre (c'est lui qui est à l'initiative de la culpabilité du fort, et à l'anéantissement du fort par l'instrumentation des faibles).
" Il peut ainsi être considéré comme un auteur Moraliste." --> vaste question, pour certains oui, pour d'autres il est a-moral. Mais étant donné qu'il pose des valeurs (vitalisme) je suis d'accord avec toi.

Re: Nietzsche et la morale du ressentiment

par Elcester » 12 févr. 2020 00:46

Merci Ben pour la vidéo :top:

@Neddy Pas du tout ! Je n'ai d'ailleurs pas eu la moyenne à mon bac de philosophie. Je n'étais pas vraiment ouvert à cette discipline à cette époque et je n'ai pas eu la chance d'avoir eu un bon pédagogue comme prof au lycée. Ce n'est que récemment, en discutant philosophie par hasard avec un passionné que j'ai compris la portée et l'impact positif que pouvait avoir cette discipline sur nos vie.

Ainsi, j'ai utilisé l'opportunité offerte par les semaines d'ouverture pour "récupéré le temps perdu" et me motiver à creuser quelques courants de pensées philosophie. Donc s'il y a des erreurs, ou s'il y a des manquements, ce n'est pas étonnant : je reste un novice :D

Je suis content que tu apprécies, j'ai eu beaucoup de mal à rester concis tout en restant compréhensible.

Oui, effectivement, d'ailleurs, si tu te sens de développer le rôle du prêtre, n'hésite pas. Je serais intéressé d'avoir ton interprétation à ce sujet, et la file s'en trouverait enrichi :top:

Re: Nietzsche et la morale du ressentiment

par ChristelleP » 12 févr. 2020 07:55

Tes files ont été fantastiques, Elcester. Elles m'ont beaucoup appris ! :mercichinois:

Re: Nietzsche et la morale du ressentiment

par Elcester » 13 févr. 2020 10:41

@ChristelleP :merci:

Je suis vraiment comblé si j'ai pu t'apporter quelque chose :top:

Re: Nietzsche et la morale du ressentiment

par ChristelleP » 13 févr. 2020 12:36

:) :mercichinois:

Re: Nietzsche et la morale du ressentiment

par BERTEL » 06 avr. 2021 01:06

Je trouve tout super passionnant bien que behavioriste. Les raisons m'importent peu, la réaction face aux événements plus.
Par contre c'est un plaisir de te lire Elcester, quel travail, quel envie de partager, un grand bravo et respect.

Re: Nietzsche et la morale du ressentiment

par Elcester » 06 avr. 2021 13:49

Hello Bertel ! Et merci :)

J'imagine que le "Behavioriste" correspond en français au comportementalisme ? Je ne connais pas cette philosophie, est-ce que tu pourrais m'orienter pour creuser un peu ?

Re: Nietzsche et la morale du ressentiment

par Deilhade » 11 avr. 2021 10:09

Hello Elcester

Ils se savourent, tes articles. Très bel esprit de synthèse. Chapeau bas.

Le comportementalisme est plus une doctrine qu’une philosophie selon moi.
Né à la fin du XIX, il a cherché à se trouver une place entre l’émergence du scientisme et de la psychologie.

Le but premier est l’étude de comportements visibles (visibles  au sens de basique, primaire presque) mis en rapport avec des événements environnementaux immédiats.
L’exemple le plus connu et le plus emblématique reste sans nul doute Pavlov, et ses fameux « stimulus-réponses » (tout comme Nietzsche, son travail a été en quelque sorte « réutilisé » durant la guerre)

Le critique péjorative qui lui est faite généralement consiste en ce qu’il réduit l’homme à un organisme basique, aux réactions prévisibles, et facilement analysables via des expérimentations scientifiques.

Là aussi, on pourrait faire un parallèle avec le trading...

Voilà, la bonne journée !

Re: Nietzsche et la morale du ressentiment

par climatisor » 11 avr. 2021 10:49

Très intéressant , je connais pas trop Nietzsche mais tel que tu le présentes en tout cas, à mon avis il n'a rien compris à la morale chrétienne.
Le but de Jésus dans la Bible n'est pas d'être faible, il est très puissant, c'est le fils de Dieu, son bras droit, un archange, chef de tous les anges. Il se sacrifie pour montrer la puissance de la pensée, pour faire l'inverse d'Adam, montrer qu'un homme (ce qu'il est devenu grâce a la réincarnation) peut résister à la tentation du Diable. C'est un genre de jurisprudence pour démonter l'argument de diable supposant que l'homme se détournera toujours de dieu car il est faible (la faiblesse dans la Bible n'est pas une faiblesse physique mais morale). Nietzsche lui (si j'ai bien compris) propose l'inverse et de tomber directement dans le piège du diable (et donc d'être faible moralement) :lol:

Pareil il n'a rien compris à Platon à mon avis, le monde des idées est parfait par rapport au monde réel car on comprend aisément que par exemple si j'ai l'idée de construire une maison, mon idée de maison sera parfaite mais la maison réelle que je construirai ne le sera pas car lors de la construction je serai aux prises avec le monde réel. L'idée, le concept c'est ce qui nous différencie des animaux car nous pouvons imaginer quelque chose dans le monde des idées avant de le transposer dans le monde matériel. Tout ce qui nous entoure a été imaginé avant d'être réalisé (le forum andlil par exemple était présent dans le cerveau de Benoist avant d'exister matériellement). Donc notre monde est dual, la représentation et sa transcription dans la réalité, depuis que nous sommes des hommes. Nietzsche nous proposerais donc (si j'ai bien compris encore) de redevenir des animaux :lol:

Re: Nietzsche et la morale du ressentiment

par Elcester » 13 mai 2021 21:52

@Deilhade Merci :top:

Super synthèse ! Je connais bien les travaux de Pavlov mais je ne savais pas que cela s'apparentait au comportementalisme.

@Climatisor Je n’ai pas envie de prendre le temps de développer mon interprétation de Nietzsche sur la pensée Chrétienne, vu le ton que tu emploies. Mais je pense que tu es loin d'avoir saisi sa pensée qui est très nuancé à ce sujet.

Il n'a pas dit "Dieu est mort" comme une affirmation triomphale, de manière condescendante, pour moi il exprime un regret

Son travail est vraiment intéressant et il mérite mieux que d'être le sujet d'interprétation d'interprétation

Re: Nietzsche et la morale du ressentiment

par VigVag » 13 mai 2021 23:46

Je viens d'apprendre par cette file que tu avais fait une semaine d'open sur la thématique de la philo.
Je vais prendre un plaisir fou à la lire demain :D

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