En 1967, lorsqu’on lui décerne le Grand Prix de poésie pour l’ensemble de son œuvre. Brassens déclare : « Je ne pense pas être un poète… Un poète, ça vole quand même un peu plus haut que moi… Je ne suis pas poète. J’aurais aimé l’être… ».
J’aime cette belle humilité, celle d’un magistral artisan de la langue française.
Pour débuter cette semaine, j’ai choisi une chanson de Brassens qui ne fait pas partie des plus connues mais elle me fait penser à nombre de traders qui fréquentent ce forum. Cette chanson, c’est « Le Pluriel ». Brassens y exprime sa singularité et le peu de bien qu'il pense du militantisme et des groupuscules de toutes sortes. Quelles que soient les circonstances, il proclame : « Bande à part, sacrebleu, c'est ma règle et j'y tiens ! ». L’indépendance, de pensée, d’action… Pour les traders, j’ajoute l’indépendance financière. Bonne lecture, bonne écoute, bonne semaine à tous.
Le Pluriel
Cher monsieur, m'ont-ils dit, vous en êtes un autre
Lorsque je refusai de monter dans leur train
Oui, sans doute, mais moi, j'fais pas le bon apôtre
Moi, je n'ai besoin de personne pour en être un
Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on
Est plus de quatre, on est une bande de ballots
Bande à part, sacrebleu, c'est ma règle et j'y tiens
Dans les noms des partants on verra pas le mien
Dieu que de processions, de monomes, de groupes
Que de rassemblements, de cortèges divers
Que de ligues, que de cliques, que de meut's, que de troupes
Pour un tel inventaire il faudrait un Prévert
Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on
Est plus de quatre on est une bande de ballots
Bande à part, sacrebleu, c'est ma règle et j'y tiens
Parmi les cris des loups on n'entend pas le mien
Oui, la cause était noble, était bonne, était belle
Nous étions amoureux, nous l'avons épousée
Nous souhaitions être heureux tous ensemble avec elle
Nous étions trop nombreux, nous l'avons défrisée
Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on
Est plus de quatre, on est une bande de ballots
Bande à part, sacrebleu, c'est ma règle et j'y tiens
Parmi les noms d'élus on verra pas le mien
Je suis celui qui passe à côté des fanfares
Et qui chante en sourdine un petit air frondeur
Je dis, à ces messieurs que mes notes effarent
Tout aussi musicien que vous, tas de bruiteurs
Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on
Est plus de quatre, on est une bande de ballots
Bande à part, sacrebleu, c'est ma règle et j'y tiens
Dans les rangs des pupitres on verra pas le mien
Pour embrasser la dame, s'il faut se mettre à 12
J'aime mieux m'amuser tout seul, cré nom de nom
Je suis celui qui reste à l'écart des partouzes
L'obélisque est-il monolithe, oui ou non
Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on
Est plus de quatre, on est une bande de ballots
Bande à part, sacrebleu, c'est ma règle et j'y tiens
Au faisceau des phallus on verra pas le mien
Pas jaloux pour un sou des morts des hécatombes
J'espère être assez grand pour m'en aller tout seul
Je ne veux pas qu'on m'aide à descendre à la tombe
Je partage n'importe quoi, pas mon linceul
Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on
Est plus de quatre, on est une bande de ballots
Bande à part, sacrebleu c'est ma règle et j'y tiens
Au faisceau des tibias on verra pas les miens
Voici encore un complément pour les passionnés : l'entretien de Georges Brassens avec Jacques Chancel pour l’émission Radioscopie