J’ai toujours trouvé l’échange de point de vue comme un enrichissement et d’autant plus quand ils divergent.
De te lire m’a permis de faire l’effort de me reposer la question, sur ma position personnelle et de me renseigner; en voilà différentes idées :
Tout d’abord je tiens à préciser que je suis, pour une intrusion profonde de l’exécutif (la police) dans la vie privée, à condition qu’il y ait le judiciaire (le juge) qui décide (contre-pouvoir) et que la collecte d’informations poussées ne soit pas généralisée et de manière automatique sur les Français.
Ce qui est ambivalent c’est que je suis aussi d’accord pour des trucs pas très clairs, si ça peut sauver des vies.
Il ne faut pas sacraliser la vie privée et en devenir un fanatique. Je la vois plus comme un garde fou contre des dérives possibles ; on ne sait pas de quoi demain sera fait.
Quand je parle d’avoir une "juste mesure de protection" de sa pratique du numérique, c’est pour ne pas se faire voler son identité, ses codes bancaires, ses travaux. Ce qui n’est pas censé intéressé un état ; mais plutôt des voleurs ou des entreprises.
C’est important aussi de ne pas réduire la vie privée qu’à une volonté d’anonymat. Qui est tout de même utile, pour ne pas se faire tracker par des gens malveillants, pour exprimer des avis sur la place publique sans pour autant se faire lyncher dans sa vie… Mais il y a aussi le revers de la médaille comme tu l’as expliqué ça empêche, ou ça complique grandement le travail de la police et ça permet des torrents de haine sur les réseaux sociaux…
La vie privée c’est aussi l’expression de ce qu’on pense dans un cadre privé, dans nos premiers cercles, la famille, les amis. C’est un cadre protégé permettant de réfléchir à haute voix et de confronter nos pensées. Pour mûrir nos idées, sans être sous le joug d’un jugement public gravé dans le marbre.
Par exemple un enfant, ou un ado qui a des idées radicales, extrémistes, racistes, après avoir lu des Bêtises. Un des premiers endroits où il va les exprimer c’est dans ce cadre privé, privilégié.
C’est là ou l’entourage proche à une opportunité pour le faire raisonner en lui ouvrant d’autres perspectives et le faire évoluer.
Ca me semble essentiel dans la construction d’un homme d’avoir se terrain neutre de confiance, comme un bac à sable pour se forger. Sans ça, c’est l’énorme risque de l’autocensure, qui me semble provoquer, seulement l’inverse du résultat escompté. Laissant place à l’ignorance.
Comme tu dis "C'est un peu le côté indignation facile qui me fait gerber sur le net." Justement ça peut être, un des exemples d’une forme de dictat sociale. Certains peuvent se sentir obligé d’être indigné pour être dans la société. Le dictat social impose une uniformité de pensée sous peine d’être ostracisé. D’où la pertinence de préserver un domaine privé de parole. Une vie passée entièrement en public, en présence d’autrui, devient superficielle.
La vie privée regroupe aussi l’intime. Ses penchants sexuels, sa vie de couple ou non, … L’intime tourné vers soi qui est le garant de la liberté individuelle. La seule parcelle qui échappe au contrôle des autres, ou on apprend sur soi, on se découvre, on se comprend.
"Savoir se retirer de la société, c’est s’autoriser une forme de révélation (personnelle, grâce à l’introspection, ou mutuelle, grâce à l’intimité partagée du couple) qui nous rendra d’autant plus authentique dans nos rapports aux autres." Guillaume Plaisance http://la-philosophie.com/vie-privee-intimite-moderne
Tu dis : "Mais la liberté ce n'est pas de faire tout ce que l'on veut de manière cachée, ça c'est l'anarchie, la liberté c'est de respecter la liberté des autres..." Je suis entièrement d’accord.
L’anarchie dans le sens commun, c’est un pays sans état, c’est l’absence de lois, c’est le désordre sociale, c’est le chaos, c’est laisser libre court à la loi de la jungle, c’est laisser les plus forts écraser les plus faibles.
Si il n’y a plus de vie privée, tout avis contradictoire exprimé dans un cadre privée, peut-être récupérer; permettant ainsi une censure direct (voir une autocensure).
Dans une dictature ou une pseudo démocratie totalitaire, comme la Lybie par exemple sous Kadhafi. Différents outils de collecte de données privées avaient été vendu par des sociétés comme Amesys ou Thalés ... http://www.liberation.fr/planete/2011/09/02/kadhafi-a-espionne-les-libyens-grace-a-la-france_758690 Ca lui a permis d’optimiser le contrôle des mass et de tuer toute révolte dans l’œuf.
On empêche ainsi un peuple à s’émanciper contre un pouvoir qui abuse. Des intérêts personnels priment sur l’intérêt général.
Kadhafi à fait un coup d’état et par la force il a pris le pouvoir. Avec ce genre d’outils, de collecte de mass des informations privées, les forts peuvent aisément oppresser les faibles. C’est un autre des points ou j’y trouve la limite.
L’abolition totale de toute forme de vie privée peut permettre à des dirigeants, voir des entreprises privées de régner sans vergogne et pour le coup; c’est une forme d’anarchie. C’est d’autant plus perfide qu’ils peuvent créer des lois pour renforcer leurs intérêts. Et les résistants deviennent des terroristes, le grand classique.
On pourrait se poser la question de l’efficience des lobbyistes possédants ce genre d’outils, optimisé par l’abolition de la vie privée, sur nos députés européens. Et se demander qu’elle est la prépondérance réel entre les intérêts personnels et l’intérêt générale dans nos lois européennes.
Il y aurait aussi plein d’autres sujets en lien, l’espionnage industriel, le juridique, propriété privée, le droit à l’image, sa voix, les médias + autocensure …