Nous commençons à beaucoup entendre parler des problèmes de croissance de la Chine, et des risques liés à la dette chinoise.
La dette chinoise a largement contribué à la croissance chinoise et la croissance fulgurante du
pib chinois: jusque là tout est normal puisque c'est le rôle de la dette de financier des investissements qui permettent de générer plus de richesse, donc plus de
pib, et de couvrir ainsi les intérêts de la dette en question.
La dette chinoise a ensuite permis de gonfler artificiellement le
pib chinois, et ça c'est beaucoup moins positif. Pourquoi artificiellement? Parce que une fois que les investissements vraiment créateurs de valeur ont été réalisés, la dette est utilisée pour financer des investissements destructeurs de valeurs: c.a.d. des investissements qui rapportent moins que ce qu’ils coûtent. Cela permet toujours de gonfler le
pib? Mais c'est en fait de la destruction de valeur. C'est un phénomène connu depuis longtemps dans les entreprises: il ne suffit pas de faire du chiffre d'affaire, il faut créer de la valeur, c'est à dire que le gain de l'investissement doit être supérieur au cout du capital mobilisé dans l'investissement. Donc alors même que le
pib continue d'être élevé, les pertes sont en fait entrain d'être accumulées et cachées, les dettes non remboursées (car non remboursables) sont renouvelées pour cacher ces pertes, et de nouvelles dettes viennent s'accumuler.
Pour ceux qui ne sont pas convaincu de l'enjeu de la dette chinoise, on peut dire qu'il est HISTORIQUE. Jamais dans l'Histoire nous n'avons assisté à une telle création de dette en aussi peu de temps. Entre 2008 et fin 2014, la dette/
pib est passée d'environ 130% à 210%, soit 14 trilliard de $. Si j'ai bien compris, il s'agit ici des dettes réalisées à l'intérieur du système bancaire, qui est réglementé.
Hors il un deuxième système existe en parallèle, le shadow banking. Ce système permet des contourner les réglementations qui entoure le crédit, l'épargne et les banques chinoise.
Je vais essayer d'illustrer avec un exemple simple tout ceci. Etant donné la besoin initial d'investissement massif dans le pays, puis le besoin de cacher le manque de rentabilité des nouveaux investissements (déjà abordé plus haut ), le gouvernement chinois a pratiqué de la répression financière, en rémunérant l'épargne des ménages bien plus faiblement qu'elle n'aurait dû le faire étant donné
l'inflation et la croissance. En baissant la rémunération de l'épargne, elle a permis aux investisseurs d'emprunter moins cher. C'est ni plus ni moins un transfert de richesse des ménages vers le secteur productif, ce qui explique en partie pourquoi la consommation des ménage est si faible: c'est un choix stratégique. Mais aujourd'hui nos ménages en ont assez de ces rendements d'épargne bas et souhaitent se voir offrir des rendements bien meilleurs: c'est ce que leur propose le shadow banking. Le procédé est maintenant connu du grand public tellement il a été expliqué durant la
Crise des subprimes US en 2008:
1- une banque prête de l'argent au gouvernement local ou a une grande entre prise chinoise
2- la banque doit respecter des normes prudentielles strictes imposées par le gouvernement, donc elle préfère se débarrasser de cette dette au plus vite en la repackageant dans un véhicule financier avec d'autres créances.
3- Ce package est alors présenté aux épargnants comme réputé sans risque, ce qui fait sens au premier abord puisque ce sont des dettes de gouvernements ou de grandes entreprises prospères. L'épargnant est heureux de saisir cette opportunité.
http://www.zerohedge.com/news/2013-06-24/presenting-chinese-wealth-management-products-infinite-risk-loop
Ensuite la machine s'emballe un peu....
L'entreprise qui a bénéficié du prêt initial cherche a en tirer le meilleur
rendement et a l'excellent idée de l'investir elle aussi dans un de ces produits très rentable proposé par le shadow banking. Tout ceci étant non réglementé, il est difficile de voir combien de fois la boucle a pu être réalisée. Personnellement, si j'ai bien compris le procédé, cela me fait penser à une pyramide de Ponzi auto alimentée, l'invention du mouvement perpétuel..... le tout reposant initialement sur des dettes de gouvernements locaux ou d'entreprises.
http://qz.com/#175590/five-charts-to-explain-chinas-shadow-banking-system-and-how-it-could-make-a-slowdown-even-uglier/
Autant dire qu'il ne faut pas que quelqu'un commence à faire défaut la dedans, cela pourrait vite devenir très vilain même si il est vrai que l'on verra alors le gouvernement central intervenir pour essayer d'éteindre les incendies.
La Banque Publique Chinoise a essayé plusieurs reprise de limiter la création de crédit en durcissant les règles et en augmentant les taux mais sans succès. Elle a déjà essayé de retirer des liquidités du marché mais a fait plusieurs fois machine arrière.
Il est commun d'entendre dire que la dette chinoise n'est pas un problème car en dernier ressort, la chine possède de telle réserves et un tel niveau d'épargne qu'elle pourra sans difficultés éponger les pertes en recapitalisant ses banques sans présenter de risque important pour le système.
Il semble que cet argument soit faux lui aussi, la Chine aura bien du mal a utiliser ses réserves pour recapitaliser ses banques pour la bonne et simple raisons que ces réserves ne sont pas apparues par hasard sont au contraire indispensables au système économique chinois. En effet, la Chine a été forcée de constituer ces réserves en monnaie étrangère afin de maintenir le
yuan artificiellement bas afin de soutenir sa croissance.
Si les problèmes de croissance de l'économie chinoise devait demain mettre le feu aux dettes, et donc aux banques chinoises, l'utilisation des réserves de la Chine pour recapitaliser les banque forcerait donc la Chine a vendre ses dollars et ses euros, ce qui ferait mécaniquement monter la valeur du
yuan et aggraverait encore plus le problème de croissance.
http://blog.mpettis.com/2013/10/hidden-debt-must-still-be-repayed/
Hors la dette doit toujours être payée: soit par le débiteurs, soit par le créditeurs, soit par une tierce personne. Quand les investissements réalisés créent de la valeur alors le débiteur peut rembourser. Si la dette a été investie dans des investissements destructeurs de valeurs, ou des investissements improductifs (des bulles d'actif) ou dans de la consommation, alors il faut trouver un autre moyen de partager le coût de cette dette. Chaque pays fait face au même dilemme et chaque pays apporte des réponses différentes en fonction de son contexte.
Dans la cas de la Chine, il est fort probable que le fardeau qu'une partie importante du fardeau soit payée par la population, soit sous la forme de répression financière, soit sous la forme de taxations supplémentaires. Si c'est le cas, cela diminuera la capacité de consommation des chinois qui est déjà très faible.
En résumé :
Après plusieurs années de croissance débridée du
pib liée aux investissements productifs pour l’exportation et aux développements d’infrastructure, la Chine doit basculer dans un nouveau modèle plus tourné vers la consommation intérieure.
Cette transition signifie une baisse de la croissance du
pib (ouvrir une boutique de déco ou un tea-shop n’a pas le même impact sur le
pib que la construction d’un aéroport, même si celui est inutilisé) mais cette baisse de croissance globale du pays ne devraient pas impacter négativement les ménages chinois puisque ceux-ci auront une plus grande part du
pib.
Pourtant la baisse de la croissance pourrait avoir un effet catastrophique sur la dette chinoise. Si la catastrophe devait arriver, les ménages chinois devront payer la facture et donc ne verront pas leur part du
pib augmenter et donc la transition sera un échec.
Il ne faudrait pas que nous ayons simultanément une baisse de la croissance, et une baisse de la part des ménages dans cette croissance, car on n’a alors pas envie d’imaginer l’insatisfaction sociale (là bas, on ne parle pas la bas de stagnation du SMIC ou de retour au 39h, on n’en est pas du tout là !) et ses conséquences potentielles sur le reste du monde. En tous cas, moi je n’ai pas envie d’y penser.
Tout l’enjeu du gouvernement chinois réside donc dans sa capacité à garder le contrôle du dégonflement de la dette tout au long de la transition.
Je vais allumer un cierge pour que les chinois puissent être les premiers à réussir cet exploit.
http://blog.mpettis.com/2014/07/bad-debt-cannot-simply-be-socialized/