Une grève dans un dépôt d’essence et ma voiture ne roule plus.
Sans mon boulanger, plus de pain.
Sans edf plus d’électricité.
La division du travail ne peut fonctionner que dans le cadre d’un ordre politique et social relativement stable permettant les échanges.
Si cet ordre n’existe plus, les échanges deviennent difficiles, et le retour à une certaine forme d’autarcie est assez naturel.
Dès lors que ses tenants anticipent précisément l’effondrement de cet ordre politique et social en raison de l’évolution du climat et des ressources naturelles, la collapsologie n’est pas dénuée de fondement.
L’autarcie, cependant, a ses limites : une première limite est qu’elle n’est jamais complète.
Je peux faire mon pain moi-même pour me passer du boulanger, mais je dois acheter mon blé.
Je dépends donc de l’agriculteur, ou plutôt du meunier pour me le fournir.
Sauf à le cultiver moi-même ?
Mais ça commence à devenir compliqué parce que pour faire cela, il faut une grande surface et des outils, ce qui nécessite de travailler avec d’autres.
Il y a toujours un moment où l’indépendance s’arrête et où la dépendance commence.
Je peux me déplacer à cheval, mais si celui-ci tombe malade, je dois bien appeler un vétérinaire.
Ce couple peut décider d’accoucher seuls dans la forêt, mais si ça se passe mal, ils prendront leur téléphone et ils appelleront le SAMU.
Tôt ou tard on finit par faire appel à cette civilisation industrielle à laquelle on cherche pourtant à échapper.
On peut même avancer l’idée que l’autarcie n’est aujourd’hui envisageable que parce qu’il existe une sorte de police d’assurance fournie par cette fameuse civilisation industrielle qui est que quand ça se passe mal, je peux « sortir de l’autarcie », un peu comme les enfants qui crient « pouce » pour suspendre le jeu.
Une seconde limite, évidemment cruciale, de l’autarcie est qu’elle est intrinsèquement inefficace.
Si chacun fait son pain, cultive ses légumes et fabrique ses habits, nous sommes condamnés à une économie de subsistance très improductive telle qu’elle existait jusqu’à la fin du Moyen-Âge.
Cela signifie consacrer la majeure partie de sa vie à des tâches alimentaires et ménagères.
Cela signifie se priver de très nombreuses choses qui ne peuvent exister que grâce à la division du travail (un hôpital, une armée ou un orchestre symphonique, par exemple) à un coût potentiellement très important''