Heikin Ashi Vinh Tho, docteur en sciences de l'éducation de l'Université de Genève, est un praticien ayant une longue expérience de la formation dans le domaine éducatif et social ainsi que dans la formation de formateurs. Il a fondé une Organisation Non Gouvernementale : Eurasia, afin de promouvoir l'intégration des enfants handicapés au Vietnam.
Il pratique et enseigne le Bouddhisme Zen dans la tradition vietnamienne. Il est responsable de la formation au Comité International de la Croix Rouge CICR à Genève
ECOUTE PROFONDE Texte extrait du livre "Présence au cœur" écrit par Heikin Ashi Vinh Tho.
16 février 2011, 07:29
Dans un soutra nommé le Sarangama Soutra, il est raconté comment Quan Am ( nom vietnamien d'Avalokitesvara) est arrivée à l’Éveil. Elle est arrivée à l’Éveil par l'écoute profonde. Elle s'asseyait tous les jours au bord de l'océan et elle écoutait les vagues. Elle écoutait la marée qui montait et qui descendait. Elle écoutait les vagues si profondément qu'elle s'est éveillée par l'écoute de la mélodie des vagues. Ceci est d'autant plus étonnant que Quan Am n'est pas connue comme étant Celle qui écoute les vagues, mais comme Celle qui écoute les souffrancs du monde. Toutefois, elle ne s'asseyait pas en méditation dans un hôpital ou dans une prison pour écouter les lamentations de ceux qui souffrent ; elle s'asseyait au bord de la mer pour écouter les vagues.
Lorsqu'on écoute les vagues, il y a quelque chose de très particulier. Il y a un bruit fort qui diminue progressivement et disparaît ; puis qui revient pour disparaître à nouveau. Lorsque la marée monte, le bruit est fort et lorsqu'elle se retire, le bruit s'éloigne. Le secret de l' Écoute de Quan Am, c'est d'être capable d'écouter le son mais aussi le silence. Lorsque nous arrivons à entendre le silence, nous touchons la dimension ultime. Lorsque nous entendons le son, nous sommes dans la dimension relative. Mais en réalité, ces deux dimensions sont toujours simultanées.
Lorsque nous entendons quelqu'un parler, nous entendons des sons. Entre les mots, il y a des moments de silence. Habituellement notre conscience est conditionnée à n'entendre que les mots, mais, l'essentiel, c'est ce qu 'il y a entre les mots. Lorsqu'on s'habitue à écouter entre les mots, l'on se rend compte que même lorsqu'il y a des sons, le silence n'est pas perturbé. Aucun bruit ne peut emplir tout le silence.
La pratique consiste donc à s'exercer à observer le silence entre les sons. Notre expérience devient alors plus spacieuse, plus libre, nous ne nous sentons plus oppressé par les phénomènes qui ne sont jamais qu'une infime partie de la totalité.
Nous pouvons en faire l'expérience avec une cloche. Nous pouvons faire silence quelques instants, puis laisser résonner une cloche et observer comment le son naît, s'amplifie, décroît et, à un certain moment, disparaît. Essayons alors de maintenir notre attention auditive alors qu'il n'y a plus rien à entendre. Nous portons notre attention concentrée sur le son, puis le son disparaît, mais nous maintenons vigilante notre attention. Ce que nous faisons habituellement, c'est que nous remplissons immédiatement ce vide par autre chose. Essayons de ne pas remplir ce vide, maintenons l'attention une fois que le son a disparu, ne le remplaçons pas par autre chose.
Que se passe -t-il lorsqu'on écoute le silence?
Que se passe-t-il lorsqu'on regarde l'espace vide?
Que se passe-t-il lorsque l'on écoute entre les mots du discours?
Que se passe-t-il lorsque la pensée précédente a déjà disparu, et que la prochaine n'a pas encore surgi?
Fait-on la même expérience d’Éveil qu'a fait Quan Am lorsqu'elle s'exerçait à écouter le bruit de la mer, mais aussi le silence de la mer ?
Un espace d'écoute profonde se forme-t-il alors, qui nous permet d'entendre ce qui est : notre propre souffrance que nous avons trop longtemps fuie, mais aussi la souffrance du monde qui est essentiellement de même nature que notre propre souffrance. Serait-ce le début de la transformation et de la guérison?
........................................................................................................................................................................................