La police a même été appelée en renfort par les gérants de magasin totalement débordés. Au-delà de l'anecdote, cela révèle beaucoup de choses sur l'état de la société française :
1) la nature humaine est avant tout prédatrice. Tout le vernis de notre civilisation peut disparaître en quelques heures. En cas de pandémie par exemple, tous les magasins seront pillés, la loi du plus fort s'installera… Rien que de très classique, on le voit systématiquement quand il y a eu un ouragan ou une catastrophe naturelle. On met bien entendu en avant les actes de solidarité pour l'éducation des gens et cela est bien normal, mais cela reste généralement une minorité.
2) ce que cette affaire Nutella révèle avant tout, c'est la pauvreté d'une partie de la population. Les émeutes n'ont pas eu lieu dans le cinquième arrondissement de Paris ou au Touquet. Dans certaines grandes surfaces, il y avait une queue de plus de 200 personnes pour attendre l'ouverture du magasin.
L'économie globale repart, avec plus de force pour les pays qui partent de plus bas comme à chaque fois. Je pense que la reprise économique, annoncée, prouvée… va créer de plus en plus de tensions. En effet, être pauvre (et la pauvreté est une notion relative selon les pays, un pauvre en France vit aussi bien qu'un cadre supérieur en Afrique) est "supportable" quand on on nous dit que c'est la crise, sa situation sociale est beaucoup plus acceptable. Mais quand les médias vont enclencher l'autre refrain : la situation économique va bien, les gens retrouvent du travail, et que l'on mettra en avant des réussites individuelles… cela risque de créer énormément de frustration et son corolaire violence.
En effet, nous ne connaîtrons pas une croissance à deux chiffres, la classe moyenne risque donc d'être extrêmement frustrée de cette reprise. Contrairement à tout ce que nous pouvons lire, personne n'a été touchée par la crise en France. Les fonctionnaires n'ont pas vu leur traitement diminuer de 20 %, les retraites ont été maintenues, ce qui n'a pas été le cas de nombreux pays européens, le SMIC a continué à augmenter, le RSA a progressé plus vite que l'inflation etc. Le modèle social français a préservé tout le monde la crise. C'est sa force, il a amorti énormément les crises mais le prix à payer c'est que nous ne pouvons pas décoller quand il y a une reprise économique. Nous sommes plombés par votre matelas qui nous protège. Donc en cas de reprise, la majorité des français ne verront pas la différence... juste à la télévision.
Ce qui est donc à craindre, c'est que les tensions, les ressentiments… soient exacerbés indirectement par les médias. En effet, les médias ne sont pas là pour faire réfléchir ou apprendre aux gens. Ils sont là pour distribuer une pâtée moyenne compréhensible par tous. Si une personne ne comprend pas ce que dit le média, elle ne reste pas pour essayer de progresser, elle zappe et elle passe à la télé réalité suivante qu'elle est capable de comprendre. C'est pour cela que même dans les téléréalités, on a des niveaux « d'intelligence » différents.
Hélas, nous allons nous retrouver dans cette situation paradoxale. Les Français attendent la reprise pour que cela aille mieux. Mais, à de rares exceptions, la majorité des Français ne verra aucune différence crise ou pas crise. On les a tellement bassinés sur le fait qu'il subissait la crise de plein fouet, ce qui était totalement faux, qu'il y a des espoirs qui seront mathématiquement et économiquement déçus. Les médias auraient mieux fait d'expliquer que les Français ont été les personnes les plus protégés durant la crise et que c'est en France qu'elle a eu le moins de conséquences. Mais qu'il y a un prix à payer, on ne peut pas gagner dans les deux sens.
Ceci était la petite prose du matin, quand en France on est capable de se battre pour un pot de Nutella à l'huile de palme, je crains plus les conséquences d'une reprise économique qui va multiplier les frustrations de la classe moyenne qu'un prolongement de "la crise" qui n'avait jamais touché les français malgré ce que l'on a pu leur dire.