Je suis vraiment défavorable à la réintroduction de
l'ISF.
Pas uniquement pour des raisons économiques, même si je comprends qu'il soit destructeur de richesse globale dans le pays, mais parce que cela apporterait de nombreuses preuves additionnées à celles déjà présentes, de l'existence d'un mal endémique français: la totale instabilité des décisions, notamment fiscales.
Comment bâtir des plans d'investissements si du jour au lendemain ils peuvent être affectés par un environnement mouvant ?
C'est de nouveau ma culture germanique qui s'exprime par cette interrogation (
l'ISF n'existe pas en Allemagne, il a été supprimé il y a fort longtemps tout comme dans la majorité des pays européens. Certainement pas par dogmatisme mais simplement par pragmatisme).
L'investissement est la clé absolue de tout projet. Rien ne peut se bâtir sans ce socle.
Et ce socle a lui même besoin d'une base solide et stable pour être établi, on ne construit guère sur des sables mouvants.
On a construit autrefois cet objet fiscal qui incite les capitaux à être investis ailleurs, à être optimisés. Puis on l'a amendé, modifié en faisant varier l'assiette, les taux, les seuils au gré des pouvoirs politiques en place. On l'enlève et maintenant on parle de le réintroduire. Sur quelle base, comment, pour combien de temps avant qu'il n'y ait une Nième modification ?
Nous sommes entre traders apprentis, nous savons donc pertinemment que ce que les acteurs d'un marché détestent le plus est l'incertitude et la surprise. Les revirements constants sont l'une des marques caractéristiques du chaos.
Donc non seulement sur le fond
l'ISF est néfaste à l'économie nationale mais en plus les perpétuels mouvements de balanciers politiques sont un facteur de risque franchement indésirable pour un investisseur.
NB: l'idée de défiscalisation (s'il y a investissement dans tel domaine alors détaxe. Ex: logements sociaux, dom tom, énergie etc etc) existe depuis que l'impôt est né. Les français en sont d'ailleurs les très grands spécialistes avec des centaines de niches fiscales. Ainsi si l'on reconnaît que l'incitation fiscale a une influence pour orienter les comportements et décisions, alors on sait que son symétrique est également vrai, à savoir la désincitation fiscale.
En second point, l'existence même d'un débat qui semble se cristalliser sur ce sujet témoigne de la révulsion française pour la richesse. Les derniers évènements sociaux ont montré la violence exercée contre des lieux symboliques de pouvoir et richesse. Et il y en eut également d'autres pour tracer le paysage avec la résurgence de discours xénophobes, homophobes, antisémites, anti-islam, anti etc...
Ainsi indépendamment de toute considération fiscale et financière, on peut s'interroger sur la qualité de l'air ambiant. Pourquoi bâtir des projets qui, en cas de succès, vaudront à leur auteur la vindicte de leurs concitoyens ?
Mais il faut peut être voyager et vivre/avoir vécu à l'étranger pour se rendre compte à quel point le climat général qui stigmatise les "richesses" et différences de façon générale et sous toutes leurs formes, est source d'inconfort diffus et permanent.
Ainsi s'il y a réintroduction de
l'ISF, je pense que cela aura en conséquence plus d'impacts négatifs que s'il avait été simplement maintenu, et il y aura une multiplicité de raisons.
On parle souvent de l'aspect spectaculaire des conséquences possibles, l'expatriation de personnes fortunées. C'est effectivement réel, mais là n'est pas le point économique significatif à l'échelle de notre nation, cela ne doit représenter en effets directs que quelques centaines de millions. L'impact majeur se trouve sur les projets futurs, tous ceux qui ne se feront pas.
Pas de débat sans données:
l'ISF a rapporté en 2017 4,2 milliards
358 000 contribuables ayant payé en moyenne 11 730 euros
L'évaluation objective de l'impact négatif ou positif sur l'investissement sera très complexe
Voir pourquoi ici https://www.bfmtv.com/economie/la-suppression-de-isf-a-t-elle-incite-les-riches-a-investir-dans-l-economie-1582112.html