Nous arrivons presque en fin de cursus, presque… Arrive le moment redouté de découvrir l’appontage.
On repart dans la théorie, réglementation etc etc
En vol nous allons faire des ASSP, appontages simulés sur piste à Meridian.
En gros l’une des pistes de la base, sa première partie (le seuil) présente des marquages qui représentent la piste oblique du porte avion (américain)
La manœuvre c’est de taper au bon endroit afin de la crosse d’appontage accroche l’un des 6 ou 4 brins (dépend de la génération de porte avion) maintenant c’est 4.
La piste est oblique, orientée légèrement à gauche de 7 degrés pour permettre en cas de loupé de repartir et refaire une présentation. A gauche de la piste un optique lumineux simule celui sur le PA. L’optique d’appontage c’est une sorte de pancarte avec différentes lumières, du vert du rouge du blanc.
Cette optique est stabilisée par rapport aux mouvements du bateau, elle va surtout indiquer la pente idéale a respecter. Tout est fait pour permettre au stagiaire d’être dans les conditions ops, sans la mer…
Juste à côté de l’optique il y a l’OA, l’officier d’appontage, le big boss. C’est lui qui contrôle l’affichage, mais c’est surtout lui qui va donner des instructions à la voix ! c’est un pilote très expérimenté avec un grand nombre d’appontages qui remplit cette fonction essentielle. Essentielle car le pilote lors de son approche peut et va avoir une perception erronée de sa position par rapport au bateau. L’OA, en plus de son expérience, par habitude arrive à tout de suite voir si la trajectoire finale est bonne. Il va donner quelques instructions a effectuer immédiatement pour corriger si besoin. S’il voit que ca rigole > remis de gaz, il fait afficher les feux rouge clignotants. Lors de l’apprentissage, dans un premier temps pendant les ASSP la crosse n’est pas sortie, ce sont juste des tuch and go, ensuite on commence à sortir la cross et voir si le brin idéal peut être obtenu.
Sur les 4 brins (USA) il faut aller trouver le 2 ou 3. En France faut chope le 2 ou 3 ème sur les 3.
Le premier est presque interdit pour des raisons de sécurité. S’il y a du tangage l’arrière du pont monte et descend de plusieurs mètres… Cela veut dire que si la trajectoire amène l’appareil sur le premier brin avec un fort tangage et pont qui se lève il peut y avoir que quelques mètres de marge donc c’est tendu.
Le deuxième c’est le graal !! RAS au top
Le troisième c’est pas mal, sauf qu’une fois immobilisé on ne voit plus le pont devant, il n’y a que la mer (sur PA français) on est très très proche du bord le mental ! La crosse relevée.
Lors de l’appontage, le pilote ne va pas faire d’arrondi (comme Cyril sur le 330 ) en gros quelques instants avant de toucher on relève un peu le nez pour faire un touché délicat (le kiss)
Bon ici c’est plus bourrin, on parle plus d’un crash contrôlé. A aucun moment on ne va relever le nez jusqu’à l’impact.
Une fois le contact sur le pont sans réfléchir manette sur plein gaz !
Si jamais on a loupé le brin, si la cross a rebondie sans accrocher il faut repartir. Donc par défaut c’est toujours plein gaz.
Dans le même moment par tribord avant (donc à ? > droite) il y a un chien jaune, un petit monsieur qui fait signe si la cross a bien accrochée ou pas. Ce n’est qu’une fois que l’avion est stoppé qu’on réduit les gaz.
LA PROCEDURE COMPLETE
Qui est à intégrer pour la planification de la mission, réelle ou entraînement.
L’heure BRAVO, c’est l’heure du catapultage, le CHARLIE, l’appontage.
Le B est généralement respecté à quelques secondes près. Il n’est pas le fait du pilote en principe.
Le C est totalement de la responsabilité du pilote, et doit être respecté à +- 30 secondes… ça devient drôle
C’est important car le porte avion évolue dans son environnement maritime, avec le trafic bateau, la météo etc etc
Donc avant chaque pontée, la position du PA est connue et planifiée à l’avance idem pour le retour de la pontée, le BRAVO.
Pour que le timing soit bon tout le monde doit le respecter.
Par exemple lors des manœuvres aviation le PA doit avancer à environ 25 nœuds 50 km/h et surtout face au vent, on comprendra que s’il y a du trafic maritime il faut pouvoir placer cette trajectoire avec précision…
Face au vent pour simplement ajouter du vent relatif pour les avions, cela permet de réduire la vitesse d’approche lors du retour et faciliter les appontages. Idem pour le catapultage.
Si on va plus loin dans les détails concernant le sujet du vent, le navire ne va pas tout simplement mettre un cap face au vent, mais il va faire en sorte que le vent arrive face au cap de la piste oblique, donc toujours décalé de 7 degrés.
C’est pour cette raison que quelques fois le sillage vu de haut montre de multiple correction de cap afin de maintenir ce vent sur la piste oblique.
Il en va de la sécurité des vols. Tout comme n’importe quel avion de ligne commercial il va chercher la piste qui se trouve la plus face au vent. (de mémoire, dans le civil, le contrôleur aérien peut proposer un départ en vent arrière à condition que la vitesse du vent soit inférieur à 9 nœuds. L’équipage est en droit d’accepter ou refuser, le contrôle ne peut rien dire) Dans l’armée, les performances des machines font qu’il est possible en cas d’urgence / besoin, de décoller vent arrière avec une composante importante. En revanche pour le retour un vent de face sera privilégié.
Pour rentrer à bord (en France) aux USA c’est un truc super complexe…
L’avion se présente dans le sillage du PA légèrement à droite (tribord) à 660 pieds d’altitude et 280 (X1.852 km/h) nœuds de vitesse.
Le passage par le travers gauche au PA est important car il permet de valider l’heure CHARLIE… fenêtre de +- 30 secondes. Sachant que le circuit qui va suivre prend 1m30 il faut se débrouiller pour y être à l’heure
Lors du transit retour, dans l’armée de l’air on peut profiter du paysage. Dans la marine, le job n’est pas terminé. En fonction de l’heure CHARLIE, de notre retard ou avance, on va ajuster la vitesse afin d’arriver avec une légère avance. C’est à ce moment-là, à condition d’avoir de l’avance que nous allons pouvoir ajuster la masse du carburant restant pour être le plus léger possible tout en s’accordant le luxe de faire une seconde ou troisième présentation (pour les plus mauvais )
Pour les plus écolos / namasté etc on va privilégier quelques figures aériennes afin de se faire plaisir ou tester des trucs potentiellement vus à la TV, pour d’autres ce sera une vidange de quelques centaines de KG de fuel… je détestais cela… sauf en cas d’urgence. Le circuit beau temps, arrivée au break
Une fois à la perpendiculaire de la partie arrière du pont on lance un décompte, moyen mémo, compter dans sa tête 331 – 332 – 333 et on vire SEC à gauche pour faire un 180 degrés. S’il y a un ailier il commence à compter à partir du virage du leader.
Une fois sur la branche vent arrière on sort le train et la cross. Sur le pont, un marin avec de grosses jumelles est chargé de vérifier visuellement que tout est sorti.
Une fois le travers du PA franchit on débute le dernier virage à gauche et on commence à descendre légèrement mais d’une manière constante.
La difficulté de ce dernier virage est de nous présenter comme il faut, bien aligné, sur la bonne pente…
Le stress commence à monter dans cette zone
Si la trajectoire est bien gérée, on n’est pas trop mal et l’officier d’appontage ne dit rien de méchant.
Une fois stabilisé on fait les derniers réglages. On a le visuel sur l’optique d’appontage. C’est à ce moment là qu’il faut faire l’annonce réglementaire à la radio pour l’officier d’appontage ainsi que le chef avia (le boss des avions) Prise de visuel de l'optique et annonce réglementaire :
« Miroir 1.2 Cortex »
Miroir signifie que l’optique est en vue, 1.2 tonnes de carburant restant, Cortex, l’indicatif du pilote à bord. Comme ça l’officier d’appontage identifie le pilote, chevronné, débutant etc
On se rapproche de plus en plus et une difficulté se présente, elle est toujours là. Le château du PA, la passerelle, qui dépasse du pont d’envol d’environ 20 / 25 mètres engendre des turbulences en raison du fait que le bateau avance à 50 km/h, ce passage doit faire l’objet d’une correction par anticipation sous peine de perdre la bonne trajectoire et de se faire jeter par l’OA.
Tout est OK, correction faite, ça tombe comme il faut, le pont est touché au bon endroit, plein gaz, on sent la décélération violente, arrêt, gaz plein réduit. Le chien jaune indique de relever la crosse et tourner à droite dans sa direction afin de rejoindre l’emplacement de stationnement ou de ravitaillement. Direction la sale de débrief à l’issue de la pontée ou l’OA débrief tous les pilotes sur la qualité de leur appontage. Tout le monde prend généralement sa petite pièce
Ensuite débute le débrief de la mission, qui peut durer 1 à 2 heures voir plus en fonction de la complexité du vol.
Les accidents incidents possibles lors des appontages, liste non exhaustive…
Le pilote ne respecte pas l ordre de l’OA de remise des gaz car trop bas > il se crash sur l’arrière du PA qui fait quand même l’équivalent d’un immeuble d’habitation de plusieurs étages…
Le pilote est victime d’une panne moteur dans cette même phase, même crash.
Le brin d’arrêt casse en pleine décélération de l’appareil > crash très probable car même avec les pleins gaz il sera improbable d’avoir assez de vitesse pour repartir. Une très rapide analyse de la situation peut permettre au pilote de prendre la décision de s’éjecter. Le pilote recevra également dans le même moment l’instruction à la radio de s’éjecter. En effet il est plus simple d’analyser la situation de l’extérieur et de constater que c’est trop tard. Ces instructions radio peuvent faire gagner X fractions de secondes pour initier l’éjection. L’appareil est bien entendu perdu.
La crosse d’appontage peut casser…
Etc etc.
Bonus des dangers sur le pont.
Lors d’une rupture de brins ce dernier ayant accumulé une énergie incroyable car aller cisailler tout ce qui se trouve à hauteur d’homme sur le pont… Le brin fait plusieurs centimètres de diamètre il ne s’agit pas de fibre optique télécom.
Lors de toutes manœuvres aviation, une équipe pompiers est équipée et présente sur le pont pour intervenir.
J’oubliai l’essentiel !!!
Le PEDRO et la NOUNOU
Le pédro c’est le nom donné à l’hélicoptère de sécurité qui est toujours en vol lors des phases de départ et d’arrivée. Il maintien une sorte de stationnaire à gauche du PA et avance à la même vitesse. A bord, un plongeur sauveteur. En cas de pépin et d’éjection c’est lui qui récupère et hélitreuille le pilote. Aucun vol n’a lieu si l’hélico est indisponible. position du Pédro lors des manœuvres aviation
Lors du catapultage par exemple, l’appareil est dans une sorte de rail, son train avant à une barre de catapultage qui est accroché au sabot de la catapulte.
Une fois sur le rail, un chien jaune fait signe que c’est OK et qu’il faut mettre plein gaz, il faut absolument poser les mains sur les genoux durant toute la phase jusqu’à la sortie du pont. On ne touche les commandes qu’une fois en vol.
L’avion étant sur son rail, une touchette même légère peut entraîner un mouvement parasite d’oscillation qui va entraîner une mauvaise sortie à vitesse réduite de la catapulte et au final un décrochage et crash.
C’est arrivé une fois, un super étendard avec un pilote étranger présent dans le cadre d’un échange. Récupéré par le pédro ! RAS vue de la catap !
La NOUNOU
C’est un rafale comme les autres, qui a été configuré en version ravitailleur en vol. Quand les conditions météo sont difficiles il y a quelques fois plusieurs loupés pour apponter… Le temps c’est du carburant. Au bout d’un moment…
La nounou, avec à bord un pilote expérimenté est catapulté afin de faire un petit complément fuel pour refaire d’autres approches.
C’est pour cette raison qu’il faut communiquer le carburant restant à l’officier d’appontage.
Lui va décider si la nounou part, ou si l’avion doit se dérouter sur un terrain de dégagement.
Bon des fois y a aucun terrain de dégagement donc c’est appontage / nounou pendant des heures ou éjection LOL
Chaque appontage est noté par l’OA dans un carnet et une note est attribuée, le champion en titre porte des lacets d’une couleur différente pour montrer que c’est le BOSS !
Pour être champion, pas compliqué, brin numéro 2 à chaque fois + aucune remarque de l’OA lors des approches ! tout un programme
Bref, revenons au T45.
Le jour de la qualification, il faut valider 10 appontages de jour. Voila.
Une fois le cursus US terminé retour en France, direction Landivisiau. Et c’est là que tout recommence.
Et oui, il faut ré apprendre, ou disons reprendre les marques de la réglementation française.
Cette fois ci il faut se qualifier sur son outil de travail de tous les jours, le rafale M (marine)
Ça recommence, simulateur, paprasse à apprendre etc etc
Et le top du top c’est qu’il faut se requalifier à l’appontage, car les PA US sont immenses comparé au Charles de Gaulle
Le T45 peut voler très lentement comparer au rafale et les PA US ont une piste oblique énorme. Sur le CDG c’est tendu, c’est petit (budget)
Donc c’est reparti pour des appontages simulés sur piste et une nouvelle qualif à bord.
Les ASSP sont un calvaire pour les riverains de Landivisiau, un groupe de 4 à 6 avions qui tourne pendant une heure très bas…
Du coup régulièrement les ASSP sont décentralisés sur Lorient, Istres, Toulon. Optique à terre.
Pour terminer, sachez que lorsque le PA sort en mer il n’y a pas d’avions à bord, ils viennent directement de Landivisiau quand il quitte Toulon. Ils sont récupérés en mer, idem pour le retour. Quand le PA rentre à quai à Toulon, les pilotes sont quelques fois déjà à la maison en Bretagne
LE PORTE AVION ET SES ACCOMPAGNATEURS
Le RAM, ravitaillement à la mer.
J’en parle car je pense que pas mal de gens ne savent pas que cela existe, enfin c’est dans ma croyance.
Le PA a une autonomie interne d’environ 45 jours de vivres. Il a sa propre réserve de kérosène pour l’aviation, de diesel marine (moins raffiné que le diesel voiture mais plus raffiné que le fioul marine marchand)
Sa propulsion est nucléaire donc pas besoin de faire le plein sauf tout les 6/7 ans !
Sa réserve de diesel marine est réservée à son escorte au cas ou.
En effet le PA ne sort jamais seul… Il n’est pas très bon pour se débrouiller seul face à une pluralité de menaces modernes type attaques de saturation. Donc pour assurer une bonne escorte nous allons prendre une frégate de défense aérienne. Son rôle va être de former une bulle de défense surface-air à l’aide de sa dotation de missiles anti aériens longue portée (entre autres) ainsi que ses systèmes de détections très performants.
Nous allons aussi prendre une frégate ASM de lutte anti sous marine. Elle possède des systèmes de détections ASM spécifiques et contribue à la protection du groupe.
Dans la doctrine moderne on peut également ajouter une FREMM, frégate multi mission. Elle est pas vraiment experte dans un domaine mais plutôt un mix des deux précédentes capacités.
L’un des éléments les plus importants de l’escorte ! le sous marin nucléaire d’attaque, le SNA. Sont rôle est essentiel et il part avec le groupe embarqué systématiquement. Généralement il ne fait pas partie de l’escorte proche, mais est en amont de la route du groupe afin de s’assurer que tout est OK.
Pour mémoire sur les groupe US il y a 2 sous marins d’attaque ! c’est le standard minimum.
En fonction de la distance, de la zone de déploiement ainsi que la durée, on va également faire appel à un BCR, un bâtiment de commandement et de ravitaillement. On l’appel aussi le pétrolier ravitailleur.
Il va permettre de ravitailler à la mer la totalité des bâtiments de surface sauf le SNA, en vivres, en fuel, en eau potable, en pièces détachées, en armement. le groupe aérien naval.
Une phase de RAM, ravitaillement à la mer peut durée plusieurs heures, c’est pas le plein de la voiture et du frigo que nous connaissons, en plus cela ce déroule en mer à 10 – 12 nœuds.
Durant cette phase aucun changement de cap possible, aucune possibilité de mettre en œuvre les avions du PA, il s’agit de la période la plus vulnérable pour le porte avion ainsi que les autres ravitaillés.
C’est pour cette raison que les différents escorteurs qui sont libres de manœuvrer assurent la sécurité du RAM en formant cette bulle anti surface et anti sous marine.
Lors d’un déploiement opérationnel réel, le groupe se ravitaille tout les 3 à 5 jours, le but étant de garder une capacité full presque tout le temps. Le pétrolier lui fait la navette entre les ports les plus proches et le groupe.
Impossible de ne pas parler de l’équipage (1950 marins), des centaines de spécialités qui font qu’un pilote seul peut espérer simplement monter dans son avion sur le pont !
L’appareil est à la base dans le hangar sous le pont. Il faut du personnel pour la manœuvrer et l’arrimer sur le pont. Mais avant cela des mécaniciens auront probablement travaillés toute la nuit afin de vérifier que l’appareil est dans les normes.
Une équipe va procéder au plein de fuel.
Une autre équipe va fixer l’armement si besoin sur l’avion. Cet armement est initialement en soutes spéciales dans les entrailles du bateau.
L’équipe de conduite du navire assure la navigation et la sécurité en mer.
L’équipe météo permet de fournir la situation météo pour la navigation maritime et aérienne.
L’équipe médicale.
L’équipe cuisines fournissent 6000 repas par jour !
L’équipe commissariat va s’occuper de toute la logistique, achats carburant, vivres, petit matériel et autres consommables.
L’équipe sécurité, les fusiller marins vont assurer la sécurité à bord, une mission de police militaire. Mais également lors des escales à l’étrangers où le bâtiment constitue une cible stratégique de choix.
Etc
Si un seul service ou partie du service fait défaut ca ne tourne plus.
Donc un grand merci.
Les conditions de travail du personnel de pont d’envol est pénible ++
Pour commencer, il y a toujours du vent sur le pont. Comme indiqué plus haut, pour mettre en œuvre les avions il faut toujours être face au vent et maintenir une vitesse de vent constant sur le pont pour les avions.
Donc pendant ces phases il y a pendant des heures 40 à 50 km/h de vent, si il pleut, si il fait froid… Bonne journée et bons trades.