Mes pieds et mon ventre commençaient à me dire "eh mon gars ça suffit !", quand, enfin, je rentrais dans la nouvelle gare de Rennes. Projet à 130 millions d'euros, dont la construction fût lancée en parallèle de la nouvelle ligne à grande vitesse "Paris-Rennes". Le résultat est assez correct finalement. Des gros tubes en pléxi, une pelouse en pente sur béton (comme à Bercy), de l'espace, des escalators, un babyfoot et un piano en libre service. Un
mcdo.
Problème : il est 19h27, la "billetterie" est fermée. Plus aucun distributeur de tickets ne prend les espèces, en dehors de celui du métro. Pourtant il y'en a pléthore. Bon, je traverse la majestueuse gare. L'ancienne n'était pas mal non plus, un peu sous-dimensionnée lors des rushs, parait-il. Celle ci semble surdimensionnée, mais projetons nous. Le trafic TER explose en Bretagne, paraît-il.
Je finis à la gare routière. Après un escalator en montée, que j'acceptai. Et un en descente, que je désertais, pour choisir l'escalier en bois ; c'est bon pour le cardio. La billetterie de la gare routière, elle, ferme à 20h00. J'ai pu commander mon sésame à sept euros et soixante dix centimes. Et m'éviter le surcoût lié aux billets-achetés-à-bord (le fameux surplus "tarif de bord").
Mon car est à 20h00, et, au fond du quai de la gare routière. J'ai donc eu loisir, à la fois de traverser "La Gare" puis la "gare routière". Des jeunes, plutôt modestes, au vu de leurs fringues (quoique ça ne veut plus trop rien dire vu qu'on achète des fringues neuves à trous, maintenant). Un vieux black boit une "8.0" (bière-vraiment-pas-cher-qui-tape-le-crane), un jeune ado typé indien fume une clope. Ensuite, j'ai croisé toutes les couleurs de l'humanité, même un péruvien. Pas un seul cadre, pas de costard, ni même de bermuda-chaussures-bateaux.
Je me suis mis à l'écart pour me faire mon instant-baguette-fourrée. Retour en enfance. Un couple de jeunes blancs se met aussi à l'écart. La fille allume un joint. Elle a les baskets trouées. J'entame mon super sandwich. Un TGV démarre. Il souffle fort. On ne se rend pas compte quand on est dedans, mais à l’extérieur, la soufflerie de la motrice est impressionnante. Les rails crissent. Je me dis que la gare routière semble neuve elle aussi. Le bitume est encore chaud.
Je scrute une plante, elle me fait penser aux feuilles de topinambour. mais je sais que cela n'en est pas. Déjà parce que je vois mal un paysagiste se dire qu'il allait planter des topinambours sur les deux mètres carrés de massif végétal entre les voies et ferrés et la gare routière, ensuite parce qu'il y'a cette espèce de fleur qui n'est pas sur mes topinambours. Je me demande bien ce que c'était. [depuis je sais qu'il y'a des topinambours d'ornement]
Surtout, comment le savoir ? Il y'a bien l'appli "quelle est cette plante" ou les groupes
facebook d'identification. Mais je n'ai ni appareil photo ni smartphone. Peut-être tenter de contacter les paysagistes ayant créer ce massif. Ce pourrait être une aventure. Par quoi commencer ? Envoyer un courrier au responsable de la gare ? Consulter les entreprises ayant travailler au projet de la nouvelle gare ?
Un deuxième TGV file vers Paris, je suis à la moitié du sandwich. La fille a passée sa clope-magique à son monsieur, elle appelle sa mère en haut parleur.
Un TER tout neuf, aux couleurs de la Bretagne, arrive de la gauche. 19h43. J'ai moins faim, ça va mieux. Un troisième TGV pour Paris. Je m'étonne de la cadence des départs. Il est plus joli. un TGV-Inoui, le haut de gamme. Paris n'est plus qu'à 1h15 de Rennes. Je devine des silhouettes. Des cadres, des familles ? Tous sur leur smartphone, en tous cas ils semblent avoir la tête baissée.
Je finis mon sandwich, je finis (presque) ma Cristaline, je déteste leur nouveaux bouchons prétendument sensés sauver les tortues marines.
Arrêter de fumer donne faim. Ici il y'a moins de smartphone. A vrai dire je n'en vois pas. Sûrement parce que je ne veux pas les voir. Ça parle FORT, ça rigole.
Et là tout s’enchaîne. Un Blablabus, un Flixbus, un Ouigo (Sncf). Trajets Paris-Rennes-Vannes. Paris-Rennes-Lorient. Ça monte, ça klaxonne parce que un sac traînait dans le couloir de stationnement. ÇA RE-KLAXONNE CAR C'EST TROP LENT À ENLEVER LE SAC.
Changement de pilote dans le Flixbus (sûrement qu'un des deux fait Rennes-Paris, l'autre Rennes-Lorient), le nouveau règle le siège a sa taille. Ils font monter. Un car Illenoo (on doit dire Breizh-Go maintenant car les compétences sont transférées à la région)--arrive sur le quai 11. Direction Fougères. Un deuxième pour Liffré-la Bouëxière repart quasi à vide. Deux gars se chèckent (un descendant d'un bus, l'autre y montant). Le car pour Vannes part. Les gens. Des gens.
20h01, mon car arrive enfin. Un jeune black en descend ; le chauffeur. Il file aider la mère célibataire, avec ses 2 filles, à charger la poussette dans la soute. Je monte. Je ne serai pas contrôler. Je ne suis pas le seul. Solidarité de classe ? le chauffeur travaillant sûrement à mi temps.
On démarre. Je m’assoupis. Bien repu.
Premier arrêt. Vern-sur-Seiche. Une dame. Elle me dit quelque chose. Elle a des sacs. Pas des valises. Des sacs. Des sacs cabas de supermarchés. Remplis de bouteilles de plastiques vides. ÇA Y'EST JE SAIS OU JE L'AI VU. Au Leclerc de Vern-sur-Seiche. En train de déposer les bouteilles plastiques dans la machine qui donne 1 ou 2 centimes par bouteille.
C'est long. Le chauffeur l'aide à mettre son trésor dans la soute. Il doit bien y'en avoir pour deux ou trois euros sur ses cinq sacs. Moins que ça en fait à bien y penser. Elle s'assoit a coté du chauffeur. Elle ne paie pas. Ne valide aucune carte. je m'endors presque. La mère célibataire est devant moi. Enfin il y'a l'espace de l'escalier de la porte arrière entre nous. J'aime bien cette place, je peux ainsi déplier mes jambes. C'est qu'ils ne sont pas top-confort ces cars-Sncf-de-province. Ils mangent leur
mcdo (je vous ai dit qu'ils ont installés un
mcdo dans la nouvelle Gare...).
Plus tard. La dame aux bouteilles descend. elle décharge la soute ; c'est long. On a bien 10 minutes de retard. Pas grave je n'ai pas de train à prendre. Vu que c'est ce car qui remplace mon train (travaux).
La plus jeune des 2 filles pleure. Crie. Gigote ; la mère s’énerve. Un rayon de soleil, dehors.
Je finis ma Cristaline. Je me dis que je devrai arrêter de boire les fonds de bouteilles en plastiques, micro-particules de bisphénol, ou autres phtalates, oblige.
20h46. La grande ville du coin. Tout le monde descend. Pas moi. Mal au dos. Mal aux Jambes. Toutes les pelouses ne sont plus que paillasson marron. Les arbres et les végétaux en stress hydrique. Pas moi. Je viens de finir ma Cristaline.
J'arrive a destination, dix kilomètres plus loin. Bonne soirée, merci, AU revoir ; je lance au chauffeur. Bonne soirée.
Je marche. J'arrive a destination. 1h20 après le départ de Rennes. Pile le temps de trajet que met un TGV pour faire les quatre cents kilomètres qui le sépare de Paris. Deux France. Un air de Grèce de mon coté. Un air de France-qui-réussit de l'autre coté du grillage (là ou je mangeais mon sandwich, les trains étaient derrière un grillage).
Sensation de gâchis. Les cars étaient tous quasi vides (un peu moins les longues distances type Flixbus, à peine), d'ailleurs les trains que j'ai vu n'étaient pas plein non plus.
Vides, pas parce qu'il n'y a personne à faire ces trajets. Mais parce qu'ils préfèrent prendre leurs voitures. Par confort ou habitude, seul ou à deux dans chaque carcasse d'une tonne.
Malaise avec la dame aux bouteilles.
Joie avec la petite de quatre ans qui n’arrêtait pas de me faire des sourires entre les deux sièges sur la fin du trajet.
Douleur de voir la végétation souffrir autant.
Fin de ma dissonance cognitive. En effet je continuais a faire ces trajets en voiture malgré mon engagement écologique radical (prendre les problèmes a la racine), j'ai donc mis ma voiture en ferraille et je n'en rachèterai pas. [bah si j'en ai racheté 3 ou 4 depuis, en fait]
J'ai pris le temps. Un luxe. Certes j'ai mis 1h20 + les temps d'attentes + la galère pour acheter un billet, mais j'ai pris le temps.
De savourer mon sandwich au chocolat-noisettes, de regarder les gens, de sourire, de penser, de regarder les voitures, de regarder la végétation, la campagne, les champs. Elle souffre. Le cadre dans son TGV n'a pas pu le voir à 330 km/h ; le nez dans sa tablette. J'ai eu ma dose, mon shoot de réel , je le sais.
Il pleut a grosses gouttes depuis que j’écris ce post. Peut-être que les arbres avaient juste besoin qu'on les regarde ? Il pleut. Fort.